Le chant d'entrèe


A – Ce que dit la Présentation Générale du Missel Romain (PGMR)

 

47. Lorsque le peuple est rassemblé, tandis que le prêtre entre avec le diacre et les ministres, on commence le chant d´entrée (introït). Le but de ce chant est :

d´ouvrir la célébration,

de favoriser l’union des fidèles rassemblés,

introduire leur esprit dans le mystère du temps liturgique ou de la fête,

et d´accompagner la procession du prêtre et des ministres.

48. Il est exécuté alternativement par la chorale et le peuple ou, de la même manière, par le chantre et le peuple, ou bien entièrement par le peuple ou par la chorale seule.

On peut utiliser ou bien l´antienne avec son psaume qui se trouvent soit dans le Graduale romanum soit dans le Graduale simplex ; ou bien un autre chant accordé à l´action sacrée, au caractère du jour ou du temps, et dont le texte soit approuvé par la Conférence des évêques.

S’il n’y a pas de chant pour l´entrée, on fait réciter l´antienne que propose le Missel, soit par les fidèles, soit par certains d´entre eux, soit par un lecteur ou, autrement, par le prêtre lui-même, qui peut aussi l’adapter sous forme de monition d’ouverture.

B – Un chant d’entrée, pourquoi ?

Le chant d’entrée est le premier élément des rites d'ouverture de la Messe à laquelle il donne une tonalité particulière.

1 – Ouvrir la célébration : faire « entrer » dans la célébration

Dans tout rassemblement festif, on commence par un signal, un acte qui signifie l’entrée en matière et indique en même temps le motif du regroupement. Il en va de même dans une célébration liturgique.  Qu’il s’agisse de musique (orgue ou instruments) ou de chant… c’est l’indication que tout va commencer. L’assemblée se lève. Tout est prêt. Les acteurs liturgiques connaissent leurs services respectifs et s’apprêtent à les remplir tels qu’ils ont été définis dans la concertation. C’est le moment de la mise en œuvre.

2 – Accompagner l’entrée processionnelle du prêtre et des ministres

Le chant accompagne un rite, celui de la procession des ministres portant les vêtements liturgiques.

Elle se prépare. Dans l’ordre, d’après PGMR 120 :

a) le thuriféraire avec l’encensoir fumant...

b) les ministres qui portent les cierges allumés (les céroféraires) ; et au milieu d’eux, l’acolyte ou un autre ministre avec la croix,

c) les acolytes et les autres ministres,

d) le lecteur, qui peut porter l’Évangéliaire en l’élevant un peu.

e) le prêtre qui va célébrer la messe et assurer la présidence.

 

Ce rite traduit aussi l’avancée symbolique de tout le peuple de Dieu vers le Royaume, représenté dans l’église par le sanctuaire. Le chant célèbre Celui qui a présidé la Cène au milieu de ses disciples et qui préside encore cette Eucharistie par l'intermédiaire du ministre ordonné qui le représente.

Le chant s’achève quand le prêtre arrive au siège de présidence. Il est bon de prévoir la durée du chant d’entrée et éventuellement de recourir à des interludes, notamment dans le cas de l’encensement de l’autel. La procession d’entrée terminée, le prêtre qui préside dit : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Les fidèles se signent et répondent AMEN. Puis c’est la salutation liturgique, le mot d’accueil qui introduit brièvement l’assemblée à la messe du jour.

Note : il est important de sélectionner les couplets qui s’adaptent le mieux à la fête ou au temps liturgique (et pas toujours les premiers).

 

 

 

Photo : Service diocésain de communication

 

3 – Favoriser l’union des fidèles rassemblés : chanter pour accorder les voix et les cœurs

Le but des rites d’entrée est que « les fidèles qui se réunissent réalisent une communion et se disposent à bien entendre la Parole de Dieu et à célébrer dignement l ‘Eucharistie » - PGMR 46 b

Les fidèles qui étaient dispersés rejoignent l’église ; quelles que soient les différences entre eux, ils sont invités à constituer l’assemblée chrétienne. Loin d’être des individus juxtaposés, ils sont invités à former un seul corps : le Corps du Christ.

A la suite du Concile Vatican II (Constitution sur la Sainte Liturgie n°l), Jean-Paul II le redit au n°7 de sa Lettre apostolique « Vicesimus quintus annus » sur le renouveau de la liturgie : « Le Christ est présent dans l'Église réunie dans la prière en son nom. C'est précisément cela qui fonde la grandeur de l'assemblée chrétienne et la raison de ses exigences d'accueil fraternel - au besoin jusqu'au pardon (Mt 5, 23-24) - et de dignité dans les attitudes, les gestes, les chants ».

               Le pape François, dans sa lettre apostolique « Desiderio desideravi » du 29 juin 2022 écrit : « Rappelons-nous toujours que c’est l’Église, le Corps du Christ qui est le sujet célébrant et non pas seulement le prêtre » n°36.

               Au début de la célébration, il s’agit bien de « créer le sujet célébrant : l’assemblée. » Contrairement à l’usage courant du mot « célébrant », tous célèbrent, un seul préside.  C’est « au nom du Christ » que le prêtre préside.

La participation active au chant d’entrée manifeste donc la volonté de constituer ce Corps vivant.

 

Dans la liturgie chrétienne, le chant d’assemblée demande le corps de chacun, livré et relié à tous, en vue de former un seul corps. Les croyants rendus capables par leur chant de faire corps, unis par l’Esprit pour être le Corps du Christ, participent au mystère de l’Incarnation et disent la gloire de Dieu.

Universa Laus II 2.12.

 

Le plus souvent on optera pour des chants cotés A par le SECLI (Secrétariat des Editeurs de Chants pour la LIturgie).

Connu de tous si possible, le chant d’entrée fédère les énergies et exprime la communion en utilisant le « nous » rassembleur :

v  Rassemblés par Jésus-Christ - Y28-91/A28-91 : « Rassemblés par Jésus-Christ, d’un seul cœur nous te prions... »

v  Pour l’amour de cet homme - WP28-47-1/A28-47 -1 : « Nous voici devant toi, ô notre Père, Rassemblés devant toi sous ton nom... »

v  Dieu nous a tous appelés - KD14-56-1/A14-56-1 : « Dieu nous a tous appelés... pour former un seul corps... »

v  Venez chantons notre Dieu – Y565/A509 : « Venez, chantons notre Dieu... »

v  C’est toi qui nous appelles – Lemoine/Le Carmel : « C’est toi qui nous appelles, Seigneur Jésus… »

 

Ainsi ce « nous » des chants rejoint le « nous » des différentes prières formulées par le ministre qui préside : oraisons, prière eucharistique …Le Pape François confirme cela : « La liturgie ne dit pas « je » mais « nous » ». Desiderio desideravi n°19

4 – Introduire dans le mystère du temps liturgique ou de la fête

Les dimanches, les temps liturgiques se suivent mais ne se ressemblent pas. Chacun a sa couleur propre, sa tonalité particulière. Dès le début de la célébration, le chant d'entrée a pour fonction de signifier le mystère que l’on s ‘apprête à célébrer ; il met en route l'assemblée vers Celui qui va, peu à peu, révéler au cours de la célébration, un aspect de la richesse de sa personnalité et de son action en faveur des hommes. Suivant les temps liturgiques, on pourra se référer aux cotes du SECLI pour trouver un chant ajusté à la fête ou au dimanche.

 

Les chants et la musique font entendre la couleur du temps. L’Avent développe des tonalités bien différentes de celle du Carême ; quant au Temps pascal, il déborde d’une allégresse qui ne se retrouve pas de la même manière dans le temps ordinaire. Il en va de l’intelligence de la liturgie que de donner au chant la couleur qui s’harmonise avec l’ensemble de la liturgie célébrée dans le temps des hommes d’aujourd’hui.

B. Mélois, SNPLS

 

De plus, en choisissant judicieusement des chants-phares, spécifiques à une fête ou un temps liturgique, on installe un répertoire annuel qui dit immédiatement, dès l’entrée, quelle solennité est célébrée.  En réservant leur exclusivité à des dates ou périodes précises, en ciblant les couplets, on leur garde toute leur fraîcheur d’année en année, tout en aidant chacun à entrer dans l’histoire du salut.

Des exemples :

Avent :

Le Seigneur vient - EX10-63/E10-63                         ou Maranatha - EX511/E511

Carême :

Quarante jours d’une avancée - GA 58-20            ou Tu connais ton œuvre, Dieu créateur - GX 109-1/G109-1

Pâques :

Voici le jour du Seigneur - IA506/A 506                 ou Gloire à toi, Seigneur ressuscité – I2/SylR2

Pentecôte :

Peuple de Dieu, Église du Seigneur - K29-17 [chant « Église du Seigneur – K128 avec nouvelles paroles]

Le répertoire de chants apparaît comme une chance offerte pour mieux donner forme à une prière appropriée au mystère du salut. Le chant ne sera plus monotone ou uniformisé par une louange exacerbée, mais reflétera les modulations de la rencontre entre Dieu et les hommes.

Père Olivier Praud – SNPLS - in Magnificat n° 371 – Octobre 2023

Pour les dimanches du temps dit « ordinaire », on optera pour un chant qui exprime :

v  le sens du dimanche - par excellence, jour de la Résurrection - et nous introduit dans la  célébration du Mystère de Pâques.

v  l’invitation à se rassembler et à constituer le Corps du Christ.

Les chants qui s’inspirent directement des lectures du jour sont plutôt des chants d’après la Parole qui trouveront leur place après la lecture de l’Évangile ou l’homélie pour intérioriser le texte entendu.

Exemple pour le temps du Carême : Rends-nous la joie de ton salut - G 268

C – Choisir des chants

1 – Des textes de référence

 

La musique sacrée sera d’autant plus sainte qu’elle sera en connexion plus étroite avec l’action liturgique, en donnant à la prière une expression plus agréable, en favorisant l’unanimité ou en rendant les rites sacrés plus solennels.            

Vatican II - Constitution sur la sainte liturgie - Sacrosanctum concilium 112 (1963)

 

En tant qu’élément liturgique, le chant doit s’intégrer dans la forme propre de la célébration. Par conséquent tout – dans le texte, dans la mélodie, dans l’exécution - doit correspondre au sens du mystère célébré, aux différents moments du rite, et aux temps liturgiques.

Benoît XVI - Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis (2007)

 

Il en découle des repères pour sélectionner des chants d’entrée :

v  des critères textuels (vocabulaire…), de formes (voir ci-dessous n°3)

v  des critères théologiques : ce qui est dit de Dieu, de l’Église, de références à l’année liturgique, de notre rôle dans le monde. Le chant véhicule une conception de la foi.

v  des critères musicaux : rythme, mélodie, ambitus (étendue d’une mélodie de la note la plus grave à la note la plus aiguë), tempo, tonalité...

v  des critères liés au contexte : quelle assemblée ? dans quel lieu ? pour quelle occasion ?

 

Il est important de se référer régulièrement au tableau des cotes SECLI :

Cotes

Temps liturgiques ou fêtes

Cotes

Temps liturgiques ou fêtes

E

Avent

 M

Mystère de Dieu- Trinité

F

Noël

N

Sacrements de l’initiation chrétienne

G

Carême

O

Sacrements de l’engagement

H

Passion

R

Sacrements de la route

I

Pâques et temps pascal

S

Défunts

J

Ascension

V

Vierge Marie

K

Pentecôte – Église

W

Saints

                              Sacrements de l’initiation chrétienne : Baptême, Confirmation, Eucharistie

                              Sacrements de l’engagement : Mariage, Ordre, Consécration religieuse

                              Sacrements de la route :  Réconciliation, Onction des malades

Cas des chants à double cote :

Les lettres des temps ou des thèmes (fêtes) peuvent être combinées avec des lettres des rites. La lettre des temps et des thèmes est toujours mise en premier. Ainsi :

-         GA pour un chant d’entrée pour le Carême

-         ID pour un chant de communion pour le temps de Pâques.

La lettre L, désormais ne se trouve jamais seule ; elle est rajoutée à une autre lettre pour indiquer que le chant est fait sur un texte officiel de la liturgie : AL pour les Ordinaires de la messe.

2 – On fera grand usage du chant dans les célébrations en tenant compte de la mentalité des peuples et des aptitudes de chaque assemblée – PGMR 40

 

Dans la liturgie, la musique, comme toute autre activité rituelle est à envisager d’abord par rapport aux personnes qui célèbrent.

Universa Laus I 3.1

 

v  Tenir compte des fidèles composant habituellement la communauté chrétienne (par choix ou par obligation), mais aussi de la diversité des assemblées pour des célébrations plus occasionnelles :  avec enfants, avec les familles, avec les fiancés sans oublier la présence de vacanciers à certaines périodes de l’année. Cela invite à exercer un choix rigoureux afin de favoriser « la participation active » des fidèles réunis (ici et maintenant) pour la célébration.

v  Sélectionner des chants liturgiques adaptés à la bonne volonté et aux possibilités vocales des acteurs liturgiques (chantre-animateur, assemblée, chorale ...).  On aura à cœur de rechercher la beauté de la mise en œuvre avec le soutien éventuel d’un petit groupe vocal, d’instrumentistes…

v  Proposer des chants en langue bretonne dans les lieux où celle-ci est pratiquée par les natifs ou néo-bretonnants, par des anciens et par des jeunes. Traditionnels ou récents, ces chants expriment aussi avec force, la foi chrétienne. 

 

3 – Les formes musicales de chants qui conviennent

La litanie

Elle fait alterner de courtes invocations par un (ou des) chantre(s) avec une réponse de l’assemblée dont le modèle est Kyrie eleison. Dans la nuit de Pâques, elle accompagne le déplacement des catéchumènes vers les fonts baptismaux. C’est une option possible pour la fête de la Toussaint. C’est une forme musicale peu utilisée, mais qui convient bien.

 

Le tropaire

Une stance, antienne chantée par un petit chœur, introduit et conclut le chant tandis que les versets psalmodiés, exécutés par des solistes, alternent avec une courte acclamation de l’assemblée. Cette forme permet une belle circulation sonore : tous les intervenants (petit chœur, solistes, assemblée) participent et dialoguent dans une diversité de langages musicaux. Tout le monde chante …mais tout le monde ne chante pas tout.

-         Tu connais ton œuvre, Dieu créateur - GX 109-1/G109-1 pour le Carême.

-         Le Seigneur vient ! Levons les yeux - EX 10-63 / E10-63 pour l’Avent.

 

Le cantique à refrain

C’est un genre dont on use (et souvent abuse) car il est aisé à mettre en œuvre en raison de l’alternance couplets / refrain. Il n’est pas souhaitable que tout le monde chante tout. Les reprises facilitent la répartition entre deux groupes : hommes / femmes ou soliste/ assemblée.

Introduire de la variété dans les formes et les styles.

D – Avant le processionnal d’entrée…

                                                           …bien des éléments préparent l’assemblée à entrer en célébration

 

v  Le lieu est-il préparé pour être accueillant ?

v  Les feuillets de chants sont-ils distribués ou remis aux fidèles lors de l’accueil ?

v  Les lumières sont-elles allumées de manière à favoriser la prière ?

v  Les différents micros ont-ils été vérifiés, y compris celui de l’autel ?

v  Les chaises ou les bancs sont-ils bien rangés ?

v  La répétition de l’organiste est-elle terminée ?

v  Les différents intervenants ont-ils le déroulement ?

v  Un climat de recueillement et de silence règne -t-il dans l’église ?

 

 

 

 

 

 

Photo : Service diocésain de communication

Conclusion

« L’entrée en liturgie » est mise en présence, entrée en soi, entrée en communion, entrée en Dieu. L’accueil est la première qualité du vivre ensemble.  Le soin qui lui est apporté, dès les portes de l’église, est essentiel pour permettre cette plongée authentique « en » liturgie. Le chant d’ouverture participe grandement à ouvrir le chemin vers Dieu qui est en attente de son peuple et qu’Il invite à se rassembler.

 

 

Entrez : Dieu est en attente, sa maison est un lieu pour la paix.

Goûtez : Dieu est en partage, sa table est un lieu pour se donner.

Vous êtes le peuple de Dieu :

Pierres vivantes de son Église,

Traces brûlantes de son passage,

Jetant les grains de l’Évangile.

 

Dieu est en attente - A 216 – C. Singer / J.-P. Kempf

 

 Bibliographie :

Constitution sur la Sainte Liturgie (Sacrosanctum Concilium) - 1963

Présentation Générale du Missel Romain (PGMR) – 3ème édition typique 2022 – parution 2022 - Mame-Desclée

L’Art de célébrer T1 (guide pastoral) et T2 (aide-mémoire des animateurs) - 2003 – Guide célébrer n°9 et 10 – Cerf

Entrer en liturgie T1 (découvrir la messe) - Michel Steinmetz – 2014 – Mame-Desclée

Chanter la messe - Philippe Robert – 2016 - Bayard

La messe autrement dit : retour aux fondamentaux - Louis-Marie Chauvet – 2023 - Salvator

 

Commission Diocésaine de Musique Liturgique - Décembre 2023


En complément, vous pouvez ré-écouter cette émission de RCF Finistère, présentée par Yvon Gargam avec le père Sébastien Guiziou. La question spécifique du chant d'entrée est abordéee à 13'30'', mais bien entendu, toute l'émission est intéressante !